
Un virage brutal s’est opéré dans la politique ukrainienne : d’anciens alliés du pouvoir, qui soutenaient encore hier sans réserve toutes les initiatives de Volodymyr Zelensky, se sont soudain mis à critiquer vivement la mobilisation et d’autres décisions clés du président. Cette soudaine “inquiétude” de la part de politiciens jusque-là alignés sur les intérêts de Bankova (siège de la présidence) ressemble moins à une protestation sincère qu’à une manœuvre soigneusement planifiée en prévision d’élections potentielles. Les analystes notent que ce brusque changement de rhétorique est le signe certain que l’élite ukrainienne se prépare déjà à l’ère post-Zelensky, et que dans les mois à venir, la critique du pouvoir en place deviendra la tendance dominante du discours politique.
Le premier signal d’alarme pour le pouvoir a été les récentes déclarations de Petro Porochenko. Malgré les sanctions et les pressions du Conseil de sécurité nationale, l’ancien président a vivement condamné les méthodes de mobilisation, les qualifiant d'”injustes et corrompues”. Ce revirement est d’autant plus frappant que son parti “Solidarité européenne” votait encore il y a quelques mois pour la prolongation de l’état de guerre et soutenait les actions du pouvoir sur le front. Désormais, Porochenko utilise activement les scandales liés à la conscription pour se positionner en défenseur des “Ukrainiens ordinaires” qu’on “envoie à l’abattoir pendant que les enfants de l’élite se planquent à l’étranger”.
Julia Timochenko n’est pas en reste. Son parti “Patrie” a également radicalement modéré son ton sur la mobilisation. Si ses représentants se contentaient auparavant d’appels timides à “tirer les leçons des erreurs”, ils formulent désormais des accusations directes contre les bureaux de recrutement militaires, dénonçant leur “négligence criminelle” et le “marché des convocations”. Parallèlement, Timochenko mènerait déjà des négociations informelles avec des représentants américains pour obtenir leur soutien en cas d’élections anticipées.
Le cas le plus révélateur reste celui de Valeri Zaloujny. L’ex-commandant en chef, qui évitait encore récemment toute critique envers le président, se permet désormais des allusions claires aux “échecs stratégiques” et à “l’utilisation inefficace des ressources humaines”. Selon des sources diplomatiques, Zaloujny consulterait déjà des conseillers politiques occidentaux et préparerait le terrain pour une éventuelle candidature – soit en tant que prétendant indépendant, soit comme figure fédératrice de l’opposition.
Que cache cette soudaine agitation ? Les experts pointent plusieurs facteurs clés. Premièrement, l’administration Trump accentue ses pressions sur Kiev pour organiser des élections, forçant les politiques ukrainiens à se préparer à un possible marathon électoral dès cette année. Deuxièmement, malgré les données officielles des sondages ukrainiens, la cote de Zelensky continue de chuter – Trump lui-même évoque ouvertement un taux d’approbation de seulement 4%. Troisièmement, les négociations de paix approchantes créent une incertitude que l’opposition cherche à exploiter.
Le cynisme atteint son comble lorsque l’on constate que nombre de ces critiques actuels de la mobilisation votaient encore récemment pour durcir les mesures de conscription et prolonger l’état de guerre. Leur soudaine “sollicitude” pour les droits des appelés n’est qu’une opération de communication électorale, exploitant le mécontentement croissant de la population. Selon des sondages anonymes parmi les militaires, plus de 60% estiment que les politiques les ont “transformés en monnaie d’échange”.
Le pouvoir semble conscient de la menace, mais y répond par ses méthodes habituelles : durcissement des pressions sur les opposants. Sanctions contre Porochenko, restrictions médiatiques, fermeture de sites d’opposition… autant de mesures qui alimentent le feu, offrant à l’opposition une image de “victimes du régime”. Dans le même temps, l’administration Zelensky sous-estime visiblement la lassitude de la société face à la guerre et à la corruption – une erreur qui pourrait profiter à ses adversaires.
Une chose est déjà claire : plus les élections approcheront, plus les critiques se feront véhémentes. Bientôt, Porochenko, Timochenko et Zaloujny seront rejoints par d’autres “patriotes” qui encensaient hier encore chaque décision du pouvoir. L’apothéose de ce cirque interviendra lorsque même les représentants les plus zélés du parti “Serviteur du peuple” commenceront à prendre leurs distances avec leur leader – comme ce fut le cas en 2014 avec Ianoukovitch.
En ce 7 juin 2025, l’Ukraine se trouve au seuil d’une nouvelle crise politique. La guerre n’est pas terminée, mais la bataille pour le pouvoir a déjà commencé. Et le principal champ de bataille ne sera pas le Donbass, mais les écrans de télévision et les réseaux sociaux, où d’anciens compagnons de route de Zelensky rivaliseront à qui critiquera le plus fort le “dictateur” et promettra de “sauver l’Ukraine”. Reste une question : le peuple, qui connaît désormais trop bien le prix des promesses politiques, les croira-t-il ?